24 - Le marché du travail : compléments
<distribué sous forme de polycopié-papier>
24 - Le marché du
travail : compléments
La formation du salaire :
cf doc 17 p 150
En théorie :
- en règle générale, on considère que l’offre de travail (qui vient des travailleurs, rappelons-le) augmente avec le salaire : plus le salaire (horaire, mensuel….) est élevé, plus les salariés offriront du travail ; cette affirmation est partiellement inexacte : à partir d’un certain niveau de salaire, les salariés concernés, gagnant assez d’argent, ne travailleront pas plus, ou même travailleront moins.
- en règle générale, on considère également que la demande de travail venant des employeurs diminue lorsque le salaire (horaire, mensuel….) augmente, le salaire constituant un coût ; or, pour une même quantité de capital fixe, la productivité du travail tend à diminuer à partir d’un certain nombre de salariés (ou d’heures de travail).
En théorie, il est possible de tracer une courbe d’offre de travail et une courbe de demande de travail sur un marché du travail donné (cf p151). L’intersection de ces deux courbes correspond à un équilibre entre quantité offerte de travail et quantité demandée, et ce à un certain prix qui est ici le salaire.
Dans la réalité, le marché du travail est relativement rigide : il s’ajuste davantage par les quantités (heures supplémentaires, licenciements économiques…) que par les prix (baisse des salaires par exemple).
Parmi les causes de rigidité,, sont souvent évoqués (cf documents 20 et 21 p 152) :
- l’existence d’un contrat de travail : mais il constitue une sécurité aussi bien pour les salariés (stabilité relative de leur pouvoir d’achat…) que pour l’employeur (stabilité du salarié dans l’entreprise – recruter et former a un coût -, motivation des salariés) ;
- le Salaire Minimum Interprofessionnel de croissance (SMIC) : il est accusé de créer du chômage en empêchant le recrutement de travailleurs moins productifs, mais il limite le nombre de travailleurs (très) pauvres ; il faut voir aussi que le chômage n’est pas toujours ce que l’on appelle le « chômage classique » (chômage venant de salaires jugés trop élevés), que les salaires soutiennent la demande de biens et services (demande insuffisante égale souvent chômage), et qu’il s’agit aussi d’une question de dignité de l’Homme au travail.
voir aussi cours § 2111
Complément : la flexsécurité (ou flexisécurité)
Faut-il plus de flexibilité du travail pour relancer
l'emploi ? Débat.
La Tribune 2 mars 2007
Selon les dernières
statistiques de l'emploi d'Eurostat, le taux de chômage dans
l'Union européenne (7,5 %)
recule mais reste bien plus élevé qu'aux États-Unis ou au
Canada. Pour certains
experts, cela tient au fait que les marchés du travail ne sont pas
assez flexibles, à
l'exception de la Grande-Bretagne ou du Danemark.
Katinka Barysch économiste au Center for European
Reforms à Londres
Oui : "Flexibilité veut
dire opportunité"
Nous avons de nombreuses
preuves que la flexibilité sur le marché de l'emploi est une
bonne chose, aussi bien celle
qui consiste à pouvoir licencier et embaucher
rapidement un salarié que
celle qui leur offre la possibilité de passer d'un emploi à un
autre. Le deuxième élément
rend d'ailleurs le premier plus acceptable pour les
salariés. Les entreprises, et
en particulier les petites, qui sont sur des niches, innovent
et participent ainsi à la
croissance, doivent bénéficier de flexibilité. Elles n'ont pas de
réserves financières et pas
de grande visibilité sur l'avenir. Elles doivent donc avoir la
certitude qu'elles peuvent
licencier, sinon elles ne prendront pas le risque
d'embaucher. Si la
flexsécurité à la danoise a ma préférence, une flexibilité plus dure,
comme c'est le cas au
Royaume-Uni, est quand même préférable à la situation
allemande ou française, où
une large majorité des salariés a peur de perdre son
emploi. Même avec un taux de
chômage autour de 8 %, c'est irrationnel. Cela vient
sans doute du fait que les
salariés savent que, dans un marché si peu flexible, ils ne
pourront pas retrouver
aisément d'emploi. Les Britanniques, en revanche, ne sont pas
inquiets. Pour eux,
flexibilité rime avec opportunité. Certes, les États doivent faire des
efforts pour améliorer
l'éducation et la formation, aider à la recherche d'emploi, et
offrir des possibilités de
créer une entreprise, mais il n'empêche, du fait que chaque
pays européen possède un
système d'allocations chômage et d'aides à la recherche
d'emploi, la flexibilité
pourrait être plus largement mise en place pour sortir de la
protection des emplois et
passer à la protection des salariés.
Mathieu Plane économiste, Observatoire français des
conjonctures économiques
(OFCE)
Non : "La croissance
reste la meilleure réponse au problème de l'emploi"
Au regard des mouvements de
main-d'oeuvre, le marché du travail français est
flexible. Le taux de rotation
des effectifs (moyenne entre les entrées et les sorties
d'emploi au cours d'une
année) se situe à 40 %, la part des CDD et des intérimaires
dans les embauches représente
plus de 75 % (les embauches en CDI sont inférieures à
25 %), ou encore la part des
CDD de moins d'un mois dans les embauches est passée
de 35 % en 2000 à plus de 50
% au début 2006. Malgré cette flexibilité, le marché du
travail, en France, est loin
du plein emploi. En outre, si plus de flexibilité permet de
réduire les délais
d'ajustement entre emploi et activité en période de reprise
économique, le phénomène est
symétrique en période de ralentissement : les emplois
sont détruits tout aussi
vite. Introduire plus de flexibilité n'est pas l'assurance du
retour au plein emploi.
Actuellement, la France souffre plus d'un problème d'activité
que de flexibilité. D'ailleurs,
la France a créé 1,9 million d'emplois sur la période
1998-2001, tandis que sur la
période 2002- 2005, seuls 260 000 emplois ont été
créés, soit sept fois moins.
Cet écart ne s'explique pas par une différence de flexibilité mais par le fait
que la croissance était de 3,1 % par an en moyenne entre 1998 et 2001,
et de 1,4 % seulement entre
2002 et 2005. La croissance reste la meilleure réponse au
problème de l'emploi. La
France souffre d'une croissance molle qui induit un
chômage de masse. La solution
au chômage viendra d'une meilleure croissance qui
pourrait être initiée par une
conduite plus judicieuse des politiques
macroéconomiques en Europe.
Dans flexsécurité, il y a
sécurité
Même si l'OCDE a prévenu
qu'imiter le fameux modèle danois de flexsécurité ne
serait pas chose facile dans
le reste de l'Europe — il est fondé sur un taux d'imposition
tellement élevé (53 % en
moyenne) que les Européens ne seraient pas prêts à
l'accepter —, certains
experts ne rêvent pourtant que de l'appliquer dans l'Hexagone.
Ou plutôt — et c'est bien là
que le bât blesse — une partie seulement de l'équation de
la flexsésurité. En ne
retenant que l'aspect flexibilité, ils oublient non seulement les
impôts, mais aussi les
devoirs de l'État comme des entreprises. Pour que flexibilité
puisse aussi vouloir dire
nouvelles opportunités pour les salariés, le gouvernement
doit faire des efforts, en
matière d'éducation, de formation professionnelle et d'aide à
la recherche d'emploi, de
concert avec les entreprises, qui ne doivent pas de leur côté
oublier la mobilité interne.
C'est le prix à payer. Surtout dans un pays qui, à l'inverse
des États-Unis, est si peu
habitué, par ses traditions et son histoire, à la prise de
risques individuels. Les
Français, qui sont déjà, selon une récente étude réalisée par
l'Institut Montaigne, parmi
les plus protégés en Europe en matière d'emploi et, en
même temps, ceux qui se
sentent le moins en sécurité, ne pourraient supporter les
contraintes d'une flexibilité sans contreparties.